A la recherche des profits cachés d’Amazon en France
Connaissez-vous les pratiques cachées d’Amazon pour éviter de payer ses impôts en France ?
Pour accéder au document, suivez le lien : http://d.mounirmahjoubi.fr/MounirMahjoubiAmazonAvril2021.pdf
Qui n’a pas déjà acheté sur Amazon ? En allant sur son site, vous savez que vous y trouverez un vaste catalogue de produits à prix corrects. Vous savez que vous serez rapidement livrés. Mais connaissez-vous le poids de ce géant en France ? Connaissez-vous toutes ses activités ? Et connaissez-vous ses pratiques cachées pour éviter d’y payer ses impôts ?
J’ai interrogé le directeur d’Amazon France sur ces sujets, en commission d’enquête lorsqu’il était sous serment, en juillet 2019, puis en audition parlementaire en décembre dernier. A chaque fois, il contourne les questions et maintient les députés dans l’incompréhension des activités et du poids réel d’Amazon en France. Ce sont pourtant des questions extrêmement simples qui lui sont posées :
- Quel est le chiffre d’affaires français d’Amazon toutes activités confondues ? (soit généré par les achats des clients français).
- Quelle est la répartition par activité ?
- Quel est l’impôt sur les sociétés payé chez nous ?
A défaut de transparence, j’ai enquêté. Je détaille mes résultats dans ma nouvelle note d’analyse parlementaire : A la recherche des profits cachés d’Amazon en France.
Devenu le plus grand magasin au monde, Amazon est un acteur de la transformation radicale de tout le secteur du commerce. Son manque de transparence est devenu intolérable. Dans l’histoire économique, nous avons connu d’autres acteurs qui, par l’innovation ou le génie commercial, ont réussi à réaliser des gains de productivité massifs : c’est-à-dire produire beaucoup plus avec beaucoup moins de ressources, réalisant ainsi de gros bénéfices et en captant d’importantes parts de marché. Jusqu’à récemment, ces gains de productivité s’accompagnaient toutefois de plusieurs conséquences positives : baisse des prix aux consommateurs, hausse des salaires, versement de dividendes aux actionnaires et paiement d’impôts importants permettant de compenser socialement l’impact des destructions chez les concurrents. Avec Amazon, c’est la première fois dans l’histoire que l’on voit un champion des gains de productivité qui ne paye pas un impôt proportionnel à son impact.
Il est d’ailleurs intéressant de noter que dans sa lettre aux actionnaires publiée en mars 2021, Jeff Bezos introduit le concept du “Créer plus que ce que l’on consomme” et tente de lister toutes les contributions de valeurs de son entreprise. On y retrouve les actionnaires, les salariés, les vendeurs tiers et les clients. Mais pas les impôts, ni les Etats. Jeff Bezos ne considère pas l’impôt comme une contribution à la valeur commune, mais comme un obstacle à son projet. C’est selon moi la motivation la plus profonde de cette entreprise à tout faire pour minimiser son impôt au niveau mondial (moins de 12%) et dans chaque pays. Le manque de transparence est le pendant de cette volonté.
En France, l’entreprise communique sur un chiffre d’affaires de 5,7 milliards d’euros pour l’année 2019 au titre de ses “activités réalisées en France”. La déclaration est vague et mène à bien des interprétations. Interrogé sur le sujet lors d’une audition parlementaire, son directeur général n’a pas souhaité apporter de précisions. Sa réponse n’a eu pour effet que d’obscurcir la compréhension des députés. A n’en pas douter, ce chiffre ne recouvre pas l’intégralité des revenus obtenus des Français.
Dans cette note, j’estime le “vrai” chiffre d’affaires d’Amazon en France à 13 milliards d’euros en 2020, ce qui aurait dû générer un impôt sur les sociétés supérieur à 200 millions d’euros.
Amazon pourrait avoir à redire sur la méthode. Les informations sur ses activités françaises sont si rares que des hypothèses ont dû être formulées. Notamment, des ratios mondiaux ont été utilisés pour approcher le poids de certaines activités en France. Absolument tout est détaillé dans cette note. En retour, j’encourage vivement Amazon à communiquer ses chiffres par activité, et leurs périmètres, s’il venait à en contester les estimations. C’est là une question de respect envers les Français et leurs élus.
La reprise des négociations intergouvernementales pour parvenir à un impôt minimum mondial est une excellente nouvelle. En cela, le soutien de la nouvelle administration Biden aux Etats-Unis est essentiel. Nous aurons à faire preuve de vigilance quant aux détails du futur dispositif, notamment en nous assurant que les définitions retenues pour apprécier les chiffres d’affaires nationaux n’engendrent pas de failles majeures dans lesquelles certains groupes mondiaux, comme Amazon, iraient immanquablement s’engouffrer.