Le défi parisien du crack en 2022 : pour un nouveau plan d’actions pragmatiques

Mounir Mahjoubi
4 min readFeb 2, 2022

La toxicomanie de rue perdure dans le Nord-Est parisien depuis plus de trente ans. Depuis quelques années, le problème se déplace et s’aggrave. Son centre de gravité est passé progressivement de la “colline du crack” à la place de la Bataille-de-Stalingrad, puis aux Jardins d’Éole, avant de trouver ancrage, en septembre dernier, sur décision de la préfecture de Police, à la Porte de la Villette. Cette scène ouverte mouvante de la toxicomanie parisienne, avec son lot de mendicités insistantes, d’agressions, de vols et de dégradations de l’espace public, mine les quartiers et le quotidien des riverains.

Voilà plus de quatre mois que les habitants de la Porte de la Villette endurent ces nuisances. Pour leur offrir une solution de sortie, la préfecture de Police a proposé le 25 janvier dernier de déplacer la scène ouverte de toxicomanie vers la friche ferroviaire de Bercy-Charenton, dans le 12ème arrondissement. Confrontée à une ardente opposition d’élus de tous bords comme des Parisiennes et des Parisiens, la préfecture de Police a abandonné ce projet.

Pour autant, les riverains de la Porte de la Villette et les usagers de crack ne peuvent être laissés à leur sort. Il est plus que jamais nécessaire de promouvoir une réelle prise en charge médico-sociale des usagers, ainsi que d’assurer une meilleure sécurisation des quartiers qu’ils fréquentent.Pour débloquer la situation, je propose un plan d’actions pragmatiques, clé en main, sans polémique. Chaque acteur de la lutte contre le crack peut s’en saisir pour véritablement améliorer ses impacts.

Ce plan défend la mise en place d’une politique globale et ambitieuse de lutte contre le crack, recentralisée et pilotée par la Mildeca, aux côtés de la préfecture de Région. À court terme, il permettra d’assurer la sécurité des riverains et la propreté des quartiers. À moyen terme, il offrira un parcours de soins et de réinsertion à tous les usagers de crack en adaptant les prises en charge et les capacités d’accueil aux besoins.

Je vous invite à consulter mon plan envoyé au Préfet de Région, au Préfet de Police, à l’Agence régionale de santé et à la Ville de Paris.

https://d.mounirmahjoubi.fr/CrackPropositions2022.pdf

Résumé du plan

Pour la Mildeca

Proposition 1 : Désigner la Mildeca comme l’administration responsable, aux côtés de la préfecture de Région, du pilotage de la politique de lutte contre le crack, de la coordination de ses acteurs et de sa communication institutionnelle et grand public.

Proposition 2 : Organiser et présider une fois par mois une réunion du comité de pilotage de la politique de lutte contre le crack.

Proposition 3 : Produire une liste d’indicateurs de performance de la lutte contre le crack à Paris avec une publication mensuelle.

Proposition 4 : Publier un document de référence détaillant la stratégie de lutte contre le crack à Paris.

Pour l’Agence régionale de santé

Proposition 5 : Etablir un recensement exhaustif des personnes consommatrices de crack sur la voie publique. La connaissance accumulée et partagée sur ce public permettra d’établir de meilleures stratégies de prise en charge.

Le calibrage des propositions 6 à 11, notamment en termes de capacité d’accueil, doit reposer sur les résultats du recensement des populations et de leurs besoins.

Proposition 6 : Financer et communiquer sur l’ouverture de lits d’accueil médicalisés (LAM) pour les usagers souffrant de troubles psychiatriques lourds et présentant des signes de violence.

Proposition 7 : Financer et communiquer sur l’ouverture d’un nombre adapté de lits halte soins santé (LHSS) pour les usagers ne nécessitant pas de prise en charge hospitalière.

Proposition 8 : Financer et communiquer sur l’ouverture d’un nombre adapté de places au sein des unités traditionnelles d’addictologie (Caarud, Csapa…) pour les usagers volontaires.

Proposition 9 : Ouvrir un centre de repos et de soins psychologiques d’urgence, accessible aux personnes toxicomanes qui s’engagent à y rester au moins 7 jours consécutifs.

Proposition 10 : Porter des appels à projets pour que soient expérimentées des communautés thérapeutiques adaptées aux publics visés.

Proposition 11 : Proposer un programme de réinsertion adapté à tous les usagers de crack inscrits dans un parcours de soins.

Proposition 12 : Financer des programmes de recherche sur les nouvelles prises en charge médicales et paramédicales de l’addiction au crack.

Pour les ministères de la Santé et de l’Intérieur

Proposition 13 : Remettre au Parlement un rapport sur les opportunités d’adaptations législatives visant à étendre les possibilités de prise en charge médico-sociale et de lutte contre les trafics.

ou bien,

Proposition 13 bis : Charger le Parlement une mission temporaire dont l’objectif serait d’étudier les opportunités d’adaptations législatives.

Pour la préfecture de Police

Proposition 14 : Création d’une unité de police spécialisée “Anti-Crack”.

Proposition 15 : Ne plus tolérer de scènes ouvertes de toxicomanie sur l’espace public. Transformer ces scènes en scènes fermées avec un accès contrôlé, une présence médico-sociale à l’intérieur et une surveillance policière aux abords.

Pour la préfecture de Région

Proposition 16 : Suivant les résultats du recensement exhaustif des populations et de leurs besoins, porter un appel à projet pour accroître l’offre d’hébergement de façon adéquate.

Pour la Ville de Paris

Proposition 17 : Pour compléter le dispositif Assore, assurer la mise à disposition d’un lieu de repos ouvert de jour comme de nuit pour toutes les personnes volontaires

Proposition 18 : Assurer deux passages quotidiens d’une équipe de nettoyage sur l’avenue Corentin Cariou, le boulevard Mc Donald et à la Porte de la Villette.

Proposition 19 : Assurer chaque soir, entre 18 heures et minuit, le passage de la police municipale et d’une équipe de médiateurs de la Ville aux abords de la sortie de la station de métro Porte de la Villette, ainsi que sur l’avenue Corentin Cariou.

Proposition 20 : Accélérer les projets de réaménagement urbain de la Porte de la Villette.

Proposition 21 : Participer au financement du recensement des personnes toxicomanes à Paris.

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Mounir Mahjoubi

Député du 19e arrondissement de Paris. Engagé pour les gens du quotidien.